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Émile Zola

Au Bonheur des Dames

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    Mouret, les regards perdus, venait de sentir passer en lui quelque chose de grand ; et, dans ce frisson du triomphe dont tremblait sa chair, en face de Paris dévoré et de la femme conquise, il éprouva une faiblesse soudaine, une défaillance de sa volonté, qui le renversait à son tour, sous une force supérieure. C’était un besoin irraisonnable d’être vaincu, dans sa victoire, le non-sens d’un homme de guerre pliant sous le caprice d’un enfant, au lendemain de ses conquêtes. Lui qui se débattait depuis des mois, qui le matin encore jurait d’étouffer sa passion, cédait tout d’un coup, saisi du vertige des hauteurs, heureux de faire ce qu’il croyait être une sottise. Sa décision, si rapide, avait pris d’une minute à l’autre une telle énergie, qu’il ne voyait plus qu’elle d’utile et de nécessaire dans le monde.
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    Malgré sa rancune jalouse, elle aussi achetait, et il se sentit le maître une dernière fois, il les tenait à ses pieds, sous l’éblouissement des feux électriques, ainsi qu’un bétail dont il avait tiré sa fortune.
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    la clientèle, dépouillée, violée, s’en allait à moitié défaite, avec la volupté assouvie et la sourde honte d’un désir contenté au fond d’un hôtel louche. C’était lui qui les possédait de la sorte, qui les tenait à sa merci, par son entassement continu de marchandises, par sa baisse des prix et ses rendus, sa galanterie et sa réclame. Il avait conquis les mères elles-mêmes, il régnait sur toutes avec la brutalité d’un despote, dont le caprice ruinait des ménages. Sa création apportait une religion nouvelle, les églises que désertait peu à peu la foi chancelante étaient remplacées par son bazar, dans les âmes inoccupées désormais. La femme venait passer chez lui les heures vides, les heures frissonnantes et inquiètes qu’elle vivait jadis au fond des chapelles : dépense nécessaire de passion nerveuse, lutte renaissante d’un dieu contre le mari, culte sans cesse renouvelé du corps, avec l’au-delà divin de la beauté.
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    L’estime de soi avant tout, n’est-ce pas ?…
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    Ils étaient sa seule raison de vivre et de travailler, puisque, de nouveau, elle jurait de ne se marier jamais.
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    cette bataille pour l’existence

    En magasins, question De marriage, bourdoncle et Le maitre

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    Après la mort de Mme Hédouin, il avait juré de ne pas se remarier, tenant d’une femme sa première chance, résolu désormais à tirer sa fortune de toutes les femmes. C’était, chez lui, comme chez Bourdoncle, une superstition, que le directeur d’une grande maison de nouveautés devait être célibataire, s’il voulait garder sa royauté de mâle sur les désirs épandus de son peuple de clientes : une femme introduite changeait l’air, chassait les autres, en apportant son odeur.
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    S’il y avait là une tactique savante, elle l’ignorait, elle se demandait avec désespoir comment faire, pour n’avoir pas l’air d’être une coureuse de maris. L’idée d’un mariage l’irritait maintenant, elle était décidée à dire non encore, non toujours, dans le cas où il pousserait la folie jusque-là. Elle seule devait souffrir. La nécessité de la séparation la mettait en larmes ; mais elle se répétait, avec son grand courage, qu’il le fallait, qu’elle n’aurait plus de repos ni de joie, si elle agissait autrement.
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    Maintenant, toutes deux comprenaient pourquoi Mme Desforges était venue au Bonheur des Dames, malgré les batailles de la rupture. Sans doute, elle cédait au besoin invincible de voir et de souffrir.
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    Mme Guiball. De vraies loques, dès qu’on a ça dans la main !

    Maintenant, elles étaient intimes, depuis que M. de Boves restait dans un fauteuil, cloué par des accès de goutte. La femme supportait la maîtresse, préférant encore que la chose eût lieu chez elle, car elle y gagnait un peu d’argent de poche, des sommes que le mari se laissait voler, ayant lui-même besoin de tolérance.
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